Le pays de Mirepoix est situé dans la vallée de l’Hers, point de jonction de trois grands ensembles : une zone de plaine, un avant-pays pyrénéen et la chaîne axiale des Pyrénées. La rivière Hers constitue une colonne vertébrale reliant le monde pyrénéen à celui de la plaine toulousaine. Elle ouvre la vallée, d’un côté vers l’Aquitaine et de l’autre vers le Languedoc et la Méditerranée.
Nous sommes ici sur les reliefs les moins hauts (des terrasses et collines aux alentours de 500 mètres) formés avec des matériaux arrachés à la montagne.
Un premier Mirepoix avait été construit sur la rive gauche de l’Hers et sur une voie de passage importante. Des amphores de la fin du IIe siècle avant notre ère évoquent cette première agglomération, sans doute un petit lieu d’échanges à proximité de la rivière, qui deviendra un marché installé à un point clé de cette voie. D’ailleurs, les vestiges archéologiques de l’époque gallo-romaine et du Haut Moyen-Âge se concentrent dans l’axe de la Moyenne Vallée de l’Hers et le matériel archéologique, retrouvé à Mirepoix dans le « quartier des Olivettes », nous renseigne sur la vie quotidienne locale de cette première agglomération.
L’occupation paraît y avoir été continue pendant plusieurs siècles jusqu’à ce que les hommes s’installent en hauteur.
La place et ses couverts
La ville sera donc ensuite regroupée naturellement au pied du château féodal au XI° siècle, sur la rive droite de l’Hers. Les premières mentions nous permettent de dire que le territoire est tout d’abord dans la mouvance du comté de Carcassonne jusqu’à 1120, avant de rendre hommage au comte de Foix jusqu’à la croisade contre les albigeois. L’Occitanie est alors un morcellement de petits pays, et l’instauration du système féodal, entraîne de nombreuses coseigneuries : ce seront donc 35 coseigneurs qui vont accorder une charte de coutumes et de privilèges à Mirepoix en 1207. La pratique méridionale du partage des terres entre tous les enfants des seigneurs va entraîner l’appauvrissement des petits nobles et les rendre d’autant moins tolérants face à la richesse de l’Église de Rome.
La foi cathare connaîtra une grande vitalité au sein des seigneuries locales, comme l’atteste Mirepoix. La cité y tiendra une place centrale, les seigneurs et les populations étant d’actifs soutiens à l’hérésie. Lieu de rencontre entre Razès, Pays de Sault et Comté de Foix, la ville va servir à plusieurs reprises de lieu de concile pour les prédicateurs cathares, notamment en 1206 ou environ 600 d’entre eux furent réunis. De nombreuses « maisons communes » leur étaient ouvertes et, un diacre, Raymond MERCIER, vivait en permanence à Mirepoix. Lors du déclenchement de la croisade, l’armée croisée se déplace de Fanjeaux vers Pamiers et prend Mirepoix ; la seigneurie sera donnée à Guy de LÉVIS, originaire d’Ile de France et lieutenant de Simon de MONTFORT. La famille de LÉVIS s’implante et impose un des régimes féodaux les plus lourds d’Ariège, Mirepoix continuera cependant à bénéficier de sa charte.
La maison des Consuls
Le 16 juin 1289, la ville est en grande partie détruite par une inondation et les habitants vont demander à Guy III de LÉVIS de reconstruire dans un lieu plus sûr, il décidera d’adopter pour cette « ville nouvelle », le plan régulier des bastides. Centre de peuplement et lieu d’échanges importants, Mirepoix en est une des plus fidèles expressions avec ses couverts, ses pittoresques maisons à colombages et sa Maison des Consuls qui retranscrit très bien l’ambiance du Moyen-Âge : ancienne demeure des magistrats municipaux, sa façade est ornée de sculptures de bois (femmes à coiffe, tête barbue, hommes couronnés, tortue, sanglier, ours…).
Ville ouverte et dédiée au commerce, elle sera fortifiée au XIV° siècle, la Porte d’Aval en est le dernier vestige.
Le palais épiscopal
Les LÉVIS vont encourager la production textile et Mirepoix deviendra un centre drapier. Les foires, où l’on négociait draps, blé ou fer vont y attirer une affluence considérable et la ville connaîtra son apogée au début du XVIe siècle. À ce moment-là, Philippe de LÉVIS, prélat de la Renaissance et véritable évêque bâtisseur, va contribuer au rayonnement et à l’embellissement de Mirepoix, en engageant de grands travaux de construction et d’aménagement dans son église, cathédrale depuis 1317, et son évêché. C’est l’évêque qui marquera le plus cette église de style gothique méridional, avec notamment l’élévation du clocher à flèche (63 m) et l’édification du Palais Épiscopal. La nef unique de l’édifice approche les 22 m de large et se situe par sa largeur au deuxième rang en Europe.
Cathédrale de style gothique méridional – XIIIe et XVIe siècle.
Cathédrale Saint-Maurice
Neuf ans après l’inondation de Mirepoix du samedi 16 juin 1289, l’ancienne église des Bénédictins sur la rive gauche de l’Hers fut restaurée et agrandie. Le 6 mai 1298, Jean 1er de LÉVIS et Constance de FOIX posèrent la première pierre sur cet emplacement et inaugurèrent la nouvelle église paroissiale Saint-Maurice.
Le pape Clément V réforme la délimitation du diocèse par la bulle du 3 août 1308 et Mirepoix devient chef-lieu du diocèse.
En 1317, le pape Jean XXII instaure le nouveau diocèse de Mirepoix en évêché. On peut admirer le clocher et le porche gothiques, ainsi qu’un Christ en croix (XIVe s.), des clés de voûte dont deux sont particulièrement remarquables, les grandes orgues de facture allemande et la chaire richement sculptée (XVIe s.).
Ville prestigieuse jusqu’à la Révolution, elle subira alors d’importants changements.
Texte Marina SALBY animatrice du patrimoine du Pays d’art et d’histoire des Pyrénées Cathares
Bibliothèque
BULLES : La cathédrale de Mirepoix, in Etudes historiques et archéologiques, Foix, 1943
DESCUNS, F. : Histoire de Mirepoix, Paris, Res Universis, 17p
LEBLANC G : Le labyrinthe de la cathédrale de Mirepoix, in Mémoire de la société Archéologique du Midi de la France, 1971 , p.55-78
LEBLANC G : La « bastide » de Mirepoix, Paris, Extrait du Congrès Archéologique des Pays de l’Aude, 1973, p.344-366
LEBLANC G : La maison des Consuls de Mirepoix, in Mémoire de la Société Archéologique du Midi de la France, p.93-124
LEBLANC G : Histoire d’une cathédrale : Saint-Maurice de Mirepoix, in Mémoire de la Société Archéologique du Midi de la France, T.39, Toulouse, 1974-1975, p.23-156
OLIVE J.L. : La Révolution à Mirepoix
OLIVE J-L : Mirepoix et sa seigneurie
TAILLEFER F. : Aux origines de Pamiers et de Mirepoix : un accident fluvial, in Pyrénées ariégeoises, Foix, 1983, 19p.
TAILLEFER F. : L’Ariège et l’Andorre, Collection Pays du Sud Ouest, Editions Privat, 1985
TAILLEFER F. : Mirepoix la médiévale, in Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts, tome 53, Foix, 1998
TOLLON : Le palais épiscopal de Mirepoix, Congrès Archéologique de France, 1973, p.381-391
VEZIAN J. : Carnets ariégeois, réunis et présentés par O. De Marliave, in Annales Pyrénéennes, 160p.
Documents conservés aux archives départementales de l’Ariège : pièces relatives à la cathédrale et au diocèse, procès et administration sous l’Ancien Régime, biens nationaux, travaux, constructions, plans et voirie du XIXe siècle (séries 2B, 294E, IJ, 2O, 3O, 4T, 4V, 9V, 194W).
Documents conservés aux Archives Communales : administration municipale et fiscale sous l’ancien régime, pendant la Révolution et le XIXe siècle, affaires militaires, pièces relatives à l’exercice du culte, à l’enseignement, à l’économie locale et aux œuvres sociales, aux travaux d’urbanisme et de voirie depuis le XIXe siècle.
Par Jean CAZANAVE – Historien – Ancien maire de Mirepoix – PRÉHISTOIRE
Les premières traces de présence humaine sont datées des époques les plus reculées de la préhistoire. Elles se concentrent sur les terrasses de l’Hers et du Touyre où paraissent avoir vécu des groupes clairsemés de chasseurs. Ce n’est qu’à la fin de l’immense période du paléolithique que ces peuplades ont pénétré dans les grottes pyrénéennes dont on connaît les magnifiques peintures pariétales. Jusque-là, il semble que l’homme ait préféré le piémont.
En effet, par longs cycles, la montagne s’est presque entièrement recouverte de glaciers, et les terrains de chasse se situaient plus bas, sur des surfaces alluviales encore perchées à 60 mètres au-dessus du niveau actuel. C’est sous des limons recouvrant des couches de cailloutis, qu’ont été trouvés des outils de pierre vieux de plus de 100 000 ans. Il s’agit d’assez nombreux quartzites taillés, découverts aux Chaubets, non loin de Dreuilhe, à Mirepoix, et surtout à la ferme de Rada sur la commune de Tourtrol où ces outils formaient une sorte de petit dôme. Naturellement, tout laisse imaginer une présence très disséminée et un habitat itinérant. Ce n’est que bien plus tard, que la région a réellement été peuplée.
C’est au troisième millénaire, à l’époque dite du néolithique, alors que le climat s’est définitivement réchauffé, après un « silence archéologique » de près de 50 siècles, que s’installent de nouvelles populations d’origine ibérique. Ces peuples ont marqué leur établissement par l’édification de mégalithes, gros blocs de rochers dressés ou posés en équilibre. Dans le canton ou sa proximité a été retrouvé l’un des 14 dolmens recensés en Ariège ainsi que d’autres témoignages de la présence de ces occupants. Il s’agit de quelques tombes à l’inhumation, l’une dans un abri sous roche à Montranier sur la commune de Besset, l’autre dans une sorte de cavité sépulcrale nommée « Grotte des Enchantées » à Queille ; enfin une troisième au village de Morenci près de Benaix où furent ensevelis, près d’un mégalithe, une femme parée d’un grand collier avec son enfant. C’est à ce moment-là qu’a pu s’opérer un début de sédentarisation par l’agriculture dont les premières pratiques ont été repérées par la datation de pollens de céréales emprisonnés dans les tourbières du Vicdessos*.
Au deuxième millénaire avant Jésus-Christ, les outils en pierre polie sont peu à peu remplacés par des objets en bronze. Ce métal était fabriqué sur place grâce à de l’étain d’Espagne et du cuivre pyrénéen comme en témoigne la fonderie retrouvée à Carbon près de Varilhes. Deux haches à talon et à rebords de cette période ont été découvertes aux deux extrémités du canton, au Peyrat et à Mirepoix. Cette localisation tend à prouver qu’à l’âge du bronze, à l’époque dite protohistorique, un véritable peuplement a commencé. Il est même possible que la langue de ces lointains occupants soit à l’origine de quelques noms de lieux et de cours d’eau. Ainsi des racines pré-indoeuropéennes se retrouvaient dans les noms de l’Hers et du Touyre.
Le texte est extrait du livre « HISTOIRE ET PATRIMOINE EN PAYS DE MIREPOIX » par les Communautés de Communes de Mirepoix et de la Vallée Moyenne de l’Hers. En vente à l’Office de Tourisme de Mirepoix. * D’après les ouvrages de F. TAILLEFER, éminent spécialiste des Pyrénées et du Sud-Ouest.