Troisième édition du festival Castel Artès, août 2023 : excellence, éclectisme et innovations…

Et si nous faisions un inventaire à la Prévert, pour reprendre la pétillante ouverture de la soirée. Ils vécurent heureux, au château de Terride ? …

Un festival deux festivals trois festivals.

Des talents du brio du brillant. Une exposition de la couleur du noir du blanc de l’ombre de la lumière. Huit soirées un ciel d’été. Un enthousiasme une passion.

Des étoiles sur fond noir des étoiles sur fond bleu des étoiles sur scène. Des musiciens des chanteurs un photographe des danseurs. Des voix des corps des décors. Une porte rouge avec son blason. Des académiciens sans habit vert en pyjama en tenue de gala. Des bénévoles à foison. Des sponsors des soutiens des aides. Un enthousiasme une passion.

Mais cela ne suffirait pas… Reprenons !

Église cathédrale de Mirepoix, Requiem de Mozart. ©Marc Mesplié officiel

Ferrante Ferranti, Pierres sauvages, pierres vivantes (11 au 19 août)

Il n’y avait pas de meilleure présentation de l’exposition de photos que celle du photographe lui-même, présent lors du vernissage des clichés en couleurs ou en noirs profonds et blancs phosphorescents. Ferrante Ferranti a évoqué ses révélations : le roman historique Les pierres sauvages, de l’architecte Fernand Pouillon, ainsi que les livres sur l’art roman des éditions Zodiaque, à l’abbaye de La-pierre-qui-vire… Les photos ont accompagné les festivaliers sur la couverture des programmes.

Dans le parc du château de Terride (12, 13 et 16 août)

Entre la Tour Vieille, le mur d’archères, le corps de logis et, plus loin, la tour-porte et sa chapelle, l’espace ouvert qui accueillait la scène donnait aussi à voir Mirepoix dans le lointain… Dans ce cadre magique, étaient proposés trois programmes qui allaient de l’opérette et des mélodies françaises aux chants et valses d’amour de Robert Schumann et Johannès Brahms, puis à du belcanto sous les étoiles. Pour la soirée d’ouverture, Sheva Tehoval et Pierre Derhet ont non seulement chanté mais merveilleusement joué la comédie, avec Nicolas Chesneau au piano, lui aussi partie

prenante des jeux de scène ! Le public a apprécié, ri et applaudi avec enthousiasme, ravi de cette première soirée pétillante comme une coupe de bulles ! Emblématiques du Sturm und Drang romantique et liés par leur amitié, Robert Schumann et Johannès Brahms étaient au cœur de la soirée consacrée aux lieder pour quatre voix mixtes (Bénédicte Tauran, Lotte Verstaen, Denzil Delaere, Edwin Crossley-Mercer) et piano à quatre mains (Yves Marat, Thierry Sibaud). Au fil de La Cour d’amour et des Chansons d’amour espagnoles, puis des Chants et valses de l’amour, les nuances de la musique romantique allemande se sont élevées dans la nuit, allant de la joie à la tristesse, de la souffrance à la douceur, de la Nature à l’universel des sentiments, de la tempête à la passion… Six prodigieux interprètes !

Pour le dernier soir à Terride, Marina Salby, animatrice du Pays d’art et d’histoire des Pyrénées cathares, proposait une présentation de ce site historique, avant le programme de Bel canto sous les étoiles. Accompagnée au piano par Giulio Zappa, Vasilisa Berzhanskaya, mezzo-soprano, a interprété des pièces choisies de Gioacchino Rossini et Piotr Ilyitch Tchaïkovski, démontrant avec aisance et une apparente facilité tout l’art du bel canto, justement, dans les nuances du chant et la respiration invisible… Des moments suspendus…

Terride, la Tour Vieille (©M.R)

Danse au Casino de Lavelanet (14 août)

Préparé et présenté par Vincent Chaillet, co-directeur, avec Edwin Crossley-Mercer, du festival Castel Artès, ce programme de danse faisait alterner ballets classiques : le pas de deux de Shéhérazade, de Nikolaï Rimsky-Korsakov ; le cygne, in Le Carnaval des animaux, de Camille Saint-Saëns, avec de la danse contemporaine: Monstrum, musique de Bobby MacFerrin, et une création: Above- -us, musiques de Rubén Julliard, Fabrizio Paterlini, Thibault Cauvin et et Antonio Vivaldi. Faisant oublier, par leur art et leur excellence, la chaleur accablante, les jeunes danseurs du Ballet de poche et de la Solma Dance Company ont emporté le public dans des univers différents, effrayants, magiques … Des images demeurent : costumes orientaux chatoyants et dansant avec le couple, délicat tutu blanc et plumes légères, débardeurs et un banc seul pour partenaire …

Lavelanet, Le Casino (©M.R.)

En l’église Saint-Jean-Baptiste de Manses (15 août)

Sous la verrière octogonale de Ferdinand Hucher, à la croisée de la nef et du transept de cette église entièrement restaurée au fil des années, un piano attend… Adam Laloum, venu l’an dernier à Terride pour un récital, et Nathan Mierdl, violoniste, se sont livrés à des duos d’une virtuosité éblouissante, sur des œuvres de Johannès Brahms, Richard Strauss et Maurice Ravel. Comme le précisait le feuillet distribué avant le concert, « les deux instruments se renvoient la parole en un dialogue incessant ; c’est pourquoi une égale virtuosité est exigée des deux interprètes. » Ils ont tous deux un palmarès qui suscite une pure admiration et ont montré, de plus, par leur sourire, la joie qu’ils avaient à jouer ensemble.

Manses, église Saint-Jean-Baptiste (©M.R.)

En l’église cathédrale Saint-Maurice de Mirepoix (17 août)

Dans la nef mise en valeur par un grand jeu de lumières, le très nombreux public a d’abord entendu Anton Bruckner (Æquales pour trois trombones), Johann Sebastian Bach ( Grande passacaille, pour orgue, avec Stéphane BOIS et Wolfgang Amadeus MOZART (Concerto pour clarinette, avec Avril Müller, et orchestre). En seconde partie, le Requiem de Mozart, dirigé par Edwin Crossley-Mercer, a rassemblé quatre solistes, Bénédicte Tauran, Lotte Verstaen, Denzil Delaere et Timothée Varon, l’Ensemble instrumental Castel Artès, l’Orchestre du Printemps, l’Ensemble vocal Castel Artès et le Chœur départemental d’Ariège. Œuvre inachevée, que le compositeur aurait écrite pour lui-même, elle est connue de tous mais ne cesse d’impressionner quand on l’entend en concert, tant la partie orchestrale, grave, solennelle mais brillante, laisse les chœurs prendre toute l’ampleur nécessaire, avec des accents de colère, d’angoisse et d’apaisement. En cadeau, le public a eu la surprise d’entendre en toute fin un petit bijou de Felix Mendelssohn, chanté de la tribune et accompagné par l’orgue, d’une ravissante délicatesse. Certaines personnes ont dit que cette pièce « surprise » était aussi délicieuse qu’un bonbon…

Sous la halle (18 août)

Pour la première fois, un concert gratuit était proposé sous la halle, par définition ouverte à tous ! Devant un public encore une fois très nombreux, accompagnés au piano par Vladimir Isaev, Adèle Brossollet et Yves Marat, à tour de rôle, les jeunes académiciens ont proposé des morceaux variés, seuls ou en duos, montrant leur implication et le fruit de leur travail, des cours coachings et formations suivis pendant la semaine écoulée. Souhaitons-leur longue et heureuse carrière !

À la salle Paul-Dardier (19 août, dernier soir…)

Les gradins étaient combles… Tout le monde attendait ce dernier spectacle qui s’annonçait magique, avec L’enfant et les sortilèges, musique de Maurice Ravel, livret de Colette. L’envoûtement a commencé avec la danse de Rosalba Torrès et l’accordéon de Philippe Thuriot dans la Pavane pour une infante défunte, puis avec Mélanie Bracale et Yves Marat au piano dans Le tombeau de Couperin. Les jeunes académiciens ont ensuite mis en place le décor poétique et symbolique de la vieille maison de campagne, dans des costumes et accessoires trouvés ou conçus par eux dans un atelier créatif, et la qualité de leurs voix, leur implication dans leurs rôes ont emporté l’adhésion du public. Ces jeunes talents, ces voix de demain qui peuvent se présenter sur scène dès maintenant, ont apporté à l’œuvre de Maurice Ravel et Colette poésie et drôlerie, tristesse, colère, inventivité et émotion, jusqu’au « Maman ! » final.

Danse au Casino de Lavelanet, pas de deux.©Marc Mesplié officiel.

Mirepoix au loin dans la gaze du soir. Une Tour Vieille des archères. Un Casino très Art Déco une verrière à huit pans une halle style Baltard. Une église cathédrale sa nef unique et son orgue une gare ancienne. Spots bleus spots orange spots rouges. Un festival s’en est allé. Un autre se prépare…

Martine ROUCHE pour l’association Castel Artès, dont la présidente, Danièle Caumeil, les deux fondateurs et directeurs artistiques, Edwin Crossley-Mercer et Vincent Chaillet, le bureau, les bénévoles, les mécènes et les institutions peuvent se louer qu’un festival d’une telle ambition et d’une telle qualité ait rencontré un succès tellement mérité !