Alors que la Révolution française est en marche depuis plusieurs mois selon la chronologie et les livres d’histoire, Mirepoix en a des échos affaiblis et le Conseil général de la commune poursuit sa gestion des affaires de la ville sans mentionner les événements initiés à Paris. « Compte tenu des circonstances » est la première référence à ce bouleversement de la vie en France, et elle intervient tard dans le registre des comptes-rendus des conseils municipaux. Il est même étonnant de voir les soins attentifs que prodigue le Conseil de Mirepoix à l’église, aux personnes attachées au service et au bon fonctionnement du culte, depuis le salaire du bedeau jusqu’aux chandelles pour la procession du Te Deum, tout cela pendant les premières années de la période révolutionnaire.

Le souffleur de l’orgue et le bedeau

Le 30 décembre 1790, le Conseil a « unanimement délibéré que la Commune fait un traitement au souffleur de l’orgue et au bedeau de la somme de trente livres à chacun, à la charge, scavoir, pour le bedeau d’assister les jours de dimanches et fêtes à la messe de parroisse et grande messe ainsi qu’aux vêpres et à toutes les processions d’assister à toutes les cérémonies publiques qui se fairont dans L’Eglise, de fournir l’eau les veilles de paques et pentecôte pour la bénédiction qui en sera faite alors et de faire ainsi et de la même manière qu’il le faisait du temps du cidevant chapitre ; et pour le Souffleur de souffler à lorgue toutes les fois qu’il sera besoin et de tenir L’Eglise bien balaÿée. »

Comme le montre cet extrait du compte-rendu du conseil municipal, le plus grand soin est accordé à l’église de Mirepoix, qui a perdu son statut de cathédrale avec le départ pour Toulouse de François Tristan DE CAMBON, dernier évêque, mais n’a pas encore accueilli avec « illuminations et feu de joÿe » Monsieur FOND, curé de Serres, élu nouvel évêque le 12 avril 1791. Pour le temps présent, l’approvisionnement en eau et le balayage doivent être maintenus comme « du temps du cidevant chapitre », ainsi que le bon déroulement des dimanches et fêtes carillonnées, avec présence du bedeau et soufflerie assurée pour l’orgue par l’homme chargé de l’entretien. Ce faisant, le bedeau et le souffleur d’orgue recevront leur traitement municipal annuel de trente livres chacun.

Le serpent…

Poursuivant leur attention au bon fonctionnement de l’église, les conseillers délibèrent unanimement sur un autre point : « Ladite Commune faisant également un traitement au serpent de la Somme de soixante douze livres à la charge pour lui de donner du serpent aux grandes messes et vepres et à tels autres offices et cérémonies accoutumés. »

Il y avait donc encore un serpent à l’église de Mirepoix en 1790. Ce serpent est le musicien qui joue de l’instrument éponyme, instrument à vent, percé de six trous et en forme de S à deux ondulations ou plus, auquel on a principalement recours dans les églises ne disposant pas d’orgue. L’église de Mirepoix bénéficie à la fois d’un orgue et d’un serpent. On déduit du traitement annuel de soixante douze livres, accordé au musicien, que son statut, aux yeux des conseillers municipaux, est supérieur à ceux du bedeau et du souffleur d’orgue. Nulle mention n’est faite d’un organiste dans cette délibération.

Serpent, Villefranche de Rouergue, 1800. ┬®SBerger

Dès le 14 mai 1659[1], est établi un bail de la charge de sous-maître de musique pour Guilhaume LAYGUE, clerc de Rodez, devant le Chapitre de la cathédrale de Mirepoix. Outre l’éducation des enfants de chœur à la lecture, à l’écriture et à la musique, Guilhaume LAYGUE doit habiter la Maistrise avec eux, les accompagner lorsqu’ils iront aux offices et jouer du serpent les dimanches, jours de fête et chaque fois « que besoin sera, comme il est accoustumé de faire et cest pratiqué dans ladite Eglise de tout temps. » Guilhaume LAYGUE recevra six setiers de blé, vingt-quatre livres d’argent et trois charges de vin pour son salaire, le tout payé par quartiers, c’est-à-dire par trimestre. Le contrat est signé pour quatre ans.

En 1749, Jean FOURNIER est le serpent de l’église cathédrale de Mirepoix. Le vendredi 8 juillet 1757[2], Jean FOURNIER est pris en qualité de serpent « pour tout le tems de sa vie ». Il n’a pas le droit de quitter le service du Chapitre. Il gagnera trois cents livres par an, payables d’avance de trois mois en trois mois. Il devra « jouer aux jours solennels du premier ordre aux premières vêpres, a l’invintatoire, hymne de Te Deum de matines, aux antiennes, hymne et benedictus de laude, a la grand messe et a vêpres, et au nunc dimittis de complies ; aux solemnels du second et troisième ordre aux premières vêpres, au Te Deum de matines, et au reste de l’office comme aux jours solemnels du premier ordre ; aux dimanches doubles du premier et second ordre a la messe et aux premières et secondes vêpres ; aux jours semi-doubles, simples et fériés a la grand messe seulement ; aux jours sem- doubles, simples et fériés à la grand messe seulement ; aux processions de la fête Dieu et de l’assomption de la Ste Vierge, a la distribution des Cendres et des cierges, à toutes les messes votives et a tous les Tedeum que le Chapitre chantera, et au Regina Coeli du samedi saint de pâques et de la pentecôte et au veni creator qu’on chante à l’heure de trêve du jour de la pantecote et généralement a tous les faux bourdons que le Chapitre faira chanter ; et finalement que le Chapitre se réservera dans le cas que ledit Sieur fournier ne serait pas assidu a remplir ses fonctions de faire une pointe particulière pour luy a l’effet de pouvoir retrancher de son honoraire au prorata du tems qu’il manquera. »

Pierre CAVANIOL (ou CAVAGNOL), serpent de l’ancienne église de Mirepoix en 1790

À suivre…

Martine ROUCHE

Guide conférencier


[1] A.D. 09, 5E 2767.

[2] A.D. 09, G251, fº 170.