Être responsable

Pour Antoine DE SAINT-EXUPÉRY « Être un homme c’est précisément être responsable. C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir un monde. »

Sommes-nous aujourd’hui dans une société d’hommes et de femmes responsables ? C’est une pensée qui me hante régulièrement dans ma vie professionnelle, sociale, personnelle. Quel homme ou quelle femme sommes-nous pour les autres ? Qu’est-on prêt à assumer véritablement ?

Être responsable, c’est prendre des décisions et les assumer, répondre de ses actes ou de ceux dont nous avons la charge ; c’est peser les conséquences de ses actes. Cette définition telle qu’elle est écrite fait écho à la liberté (celle d’agir ou pas) et à la conscience (être en pleine capacité de ses moyens cognitifs et volitifs). Clairement, un enfant, un être déficient, un ignorant, un patient souffrant de troubles mnésiques ou plongé dans un état végétatif ne peuvent être responsables.

Ainsi, généralement, nous sommes libres de nos actes et nos choix faits selon notre libre arbitre ; nous sommes aptes ou en capacité de les faire en conscience. Les femmes en Afghanistan n’ont d’autres choix que fuir ou mourir pour assumer leur féminité. Nous, nous pouvons nous opposer sans « craindre pour notre vie ».

Nous sommes témoins de discours qui viennent interroger ce postulat. Je pense alors souvent à cette femme politique qui affirmait, suite à une affaire l’impliquant, « responsable mais pas coupable ! ». Était-ce l’aveu de son ignorance ?

Je reprendrai succinctement les sept domaines qui impliquent la responsabilité de tout citoyen :

  • la responsabilité parentale d’éducation, celle que l’on reporte facilement sur l’école (savoir se tenir, être poli, savoir manger proprement, savoir communiquer correctement, etc.) ;
  • la responsabilité civique et sociale : je me déclare citoyen et j’attends être respecté en tant que tel, mais je fais ce que je veux individuellement et je néglige mes devoirs civiques… « Liberté » ?
  • la responsabilité morale : selon les domaines c’est la responsabilité globale d’une entreprise mais aussi la responsabilité éthique… À ce niveau, j’aurais parfois tendance à dire, je m’en excuse, « les tiques c’est pour les chiens » ;
  • la responsabilité pénale ou juridique : c’est le « responsable mais pas coupable » ;
  • la responsabilité politique. Pour cela, il faudrait avoir les bases de l’organisation administrative d’un pays, d’un territoire…

Je vois déjà les sourcils se soulever, les airs dubitatifs… Sommes-nous tous convaincus d’agir avec discernement dans tous ces champs et plus encore d’assumer les conséquences des actes qui en résultent ou en découleront ?

Trop fréquemment nous avons tendance à reporter sur l’autre la responsabilité de nos actes. Quelques exemples communs :

  • Je reçois une contravention pour un manquement au code de la route, excès de vitesse ; c’est la faute du radar qui est placé sur une ligne droite qui inviterait à rouler plus vite qu’autorisé. Je choisis de ne pas me conformer à la loi, mais je peste contre les conséquences de ma protestation ou de mon choix ;
  • Mon enfant visionne des sites pornographiques sur son smartphone : les sites sont trop accessibles ! Bien sûr, j’ai permis à mon enfant de posséder un téléphone perfectionné qui lui sert à tout sauf à téléphoner, mais cette question nous effleure rarement… J’extrapole ?
  • Mon enfant travaille mal à l’école : c’est de la faute de l’enseignant ! Le fait de ne pas surveiller ses devoirs ou le rythme de son sommeil ne nous viendrait pas à l’esprit…

Combien de fois sommes-nous pris en flagrant délit d’irresponsabilité et en quête de trouver un coupable qui ne serait pas nous ? Il serait pourtant plus intéressant de se recentrer sur l’action que nous avons volontairement menée, en conscience, en toute liberté, et de s’engager alors à assumer ses actes.

Au fond, si ne pas avoir conscience signifie perdre de la liberté, la question de la responsabilité devient celle de la légitimité ou de l’illégitimité de cette perte. En clair, à force de ne pas être responsable, nous acceptons de ne pas être libres.

L’enjeu à mon sens serait de continuer à vivre dans une société de plus en plus irresponsable, donc non coupable, ou de s’engager dans un positionnement éclairé, conscient et assumé et, à l’inverse de madame DUFOIX, ministre à son époque, d’accepter de se reconnaître coupable lorsque l’on est responsable (de la santé publique dans cette situation précise). Être responsable, c’est ne pas ignorer son devoir, avoir du discernement et endosser les conséquences de nos actes. À force de chercher ailleurs la responsabilité que nous ne souhaitons pas assumer, nous construisons un monde d’assistés, d’ignorants, infantilisé. Est-ce le monde que nous souhaitons pour demain ?

Cathy MARROT