Des peintures à la gloire de la Révolution et de l’Empire, datant du tout début du XIXe siècle, ont été récemment découvertes à Mirepoix. Elles sont peintes à même les murs et elles ont pu traverser les siècles, grâce à leur recouvrement par une couche de plâtre qui les a cachées aux yeux des propriétaires successifs des lieux et probablement sauvées de leur destruction. Ces peintures ont été découvertes dans l’ancienne maison natale du Colonel Petitpied, sise au cours du même nom, et à l’arrière de celle-ci, c’est-à-dire rue Vidal-Lablache, dans un garage qui fait face à l’entrée de la médiathèque.

A l’origine ce garage abritait un café qui avait été ouvert par le grand-père du Colonel Jules Petitpied, soit Jean Petitpied originaire de Fanjeaux, après l’achat à Louis Abraham, d’une « maison en chartreuse et jardin contigu le long de la promenade du Nord », aujourd’hui cours Colonel Petitpied (acte notarié de Maître Jean Paul Germain Combes du sept fructidor an VI ou 24 août 1798).

On peut s’étonner de l’ouverture d’un café rue Vidal-Lablache, dans une rue peu fréquentée aujourd’hui. Mais à cette époque, il en était autrement. Les fossés entourant la ville venaient d’être comblés et à la place il y avait certes des promenades comme celle du Nord, aujourd’hui cours Colonel Petitpied, mais on accédait aux maisons non pas par les promenades, mais par les rues et notamment la rue Vidal-Lablache (anciennement rue de la Trinité), pour ce qui concerne notre « maison en chartreuse ». La rue Vidal-Lablache était donc très fréquentée et l’ouverture d’un café donnant dans cette rue était pleinement justifiée. L’activité y était florissante, puisqu’un inventaire datant des années 1820 recensait plus de 2000 bouteilles de vin à la cave, ainsi qu’une vingtaine de barriques ! Le café disposait même d’une salle de danse.

Les peintures qui s’offrent à nos yeux ne sont pas complètes. Elles n’ont été conservées seulement que dans leurs parties supérieures, moins accessibles, ce qui a permis de les protéger des outrages du temps. Ce qui subsiste est néanmoins d’un très grand intérêt tant par la fraicheur des couleurs que par les motifs représentés.

LES COULEURS

Deux siècles après leur réalisation, les peintures ont conservé dans l’ensemble une fraicheur remarquable. L’utilisation de pigments naturels provenant de minéraux (terre) trouvés sur place ou aux environ de Mirepoix, peut expliquer la bonne conservation des couleurs. Les peintres de cette époque savaient que les terres suivant la quantité de fer qu’elles contenaient pouvaient donner la plupart des couleurs du rouge au bleu, le charbon de bois donnant le noir et le calcaire le blanc. Mais curieusement la couleur bleue et ses dérivés est absente dans nos peintures probablement à cause d’une mauvaise oxydation du fer des terres locales.

LES MOTIFS REPRESENTES

Les motifs représentés peuvent être rangés dans deux catégories, les motifs architecturaux et décoratifs d’une part et les motifs figuratifs d ‘autre part.

1 → Les motifs architecturaux et décoratifs

Le premier ensemble monumental découvert se développe sur une longueur de 1m30 pour une hauteur de 3m ; il est abîmé dans sa partie inférieure. Il représente une arcade avec clef de voûte de style roman, reposant sur deux colonnes surmontées de chapiteaux ioniens.

Arcade reposant sur deux colonnes

Cette peinture s’inscrit à l’intérieur d’un cadre géométrique dont les parties supérieures droite et gauche s’ornent de palmettes.

Deux autres ensembles monumentaux de grandes dimensions également, mais très dégradés, font apparaître dans leurs parties supérieures des feuilles d’acanthe.

2 → motifs figuratifs

Dans un cadre rectangulaire de 3m de long sur 1m75 de haut, nous avons une peinture monumentale exceptionnelle à la gloire de la Révolution et de l’Empire qui surprend par la fraicheur des couleurs utilisées et surtout par les motifs représentés.

Peinture à la gloire de la Révolution et de l’Empire

Au centre de la peinture apparaissent deux lettres en capitales cursives, les lettres J et P placées à l’intérieur d’un cartouche aux bords retournés. Bien entendu, il s’agit des initiales de Jean Petitpied, propriétaire de la « maison en chartreuse » depuis l’année 1798 et commanditaire des peintures destinées à la décoration de son café. Elles datent donc des années qui suivent l’arrivée des Petitpied à Mirepoix, probablement des années 1799 et suivantes.

cartouche avec les initiales J et P

Cette grande peinture est une glorieuse évocation de la Révolution, avec la représentation de la plupart des attributs de la Révolution comme le drapeau, le clairon, la trompette, le tambour, les faisceaux, le canon.

Cette composition est tout à la gloire de la Révolution et les motifs représentés sont tous des symboles rappelant cette période riche d’acquis obtenus non sans peines. Le drapeau symbolise la nation unie fraternellement autour de lui, alors que le faisceau de licteur symbolise la justice, l’égalité, la liberté, c’est-à-dire la République. Mais tout cela n’a pas été gagné sans peines, il a fallu les défendre face à l’ennemi qui envahissait le pays. Le clairon, la trompette, le tambour, le canon évoquent cette période où le pays étant en danger, les volontaires se sont enrôlés en masse dans les armées de la Révolution pour repousser l’envahisseur et conserver les nouveaux droits acquis. Jean Petitpied qui avait acheté la « maison en chartreuse », alors que c’était un ancien bien national pour avoir appartenu à un émigré, était conforté dans la propriété de ce bien ; il avait bien le droit et même le devoir de mettre ses initiales J et P sur la composition.

Curieusement, deux autres peintures n’évoquent plus la Révolution, elles sont à la gloire de l’Empire ! Comment peut-on associer la Révolution et l’Empire ? Comment dans un même café, Jules Petitpied a-t-il pu glorifier en même temps la Révolution et l’Empire ? A regarder de plus près, l’Empire peut être regardé comme l’héritière de la Révolution et Jules Petitpied faisant un amalgame, n’a eu aucun scrupule à les glorifier tous les deux.

La première représente un aigle couronné, la couronne étant très effacée. Il s’agit de l’emblème du 1er Empire, choisi par décret du 21 messidor an XII (10 juillet 1804) et représentant un aigle, emblème qui figurera désormais sur tous les drapeaux de l’Empire. C’est après le couronnement de l’Empereur, le 2 décembre 1804, que l’aigle impérial sera représenté couronné.

La deuxième représente un autel couronné (la couronne est très effacée). Certaines médailles de l’Empire évoquant également la scène de l’autel surmonté d’une couronne ont probablement inspiré l’auteur de la peinture.

Autel couronné

Au total, nous avons à Mirepoix, dans un espace restreint, un ancien café, un ensemble de peintures exceptionnelles réalisées autour de l’année 1800, évoquant de manière réaliste la Révolution et l’Empire. D’autres murs sont également porteurs de peintures, mais comme elles ont été recouvertes par des crépis de ciment, il sera difficile voire impossible de les mettre à nu. Ces peintures n’ont toutefois pas délivré tous leurs secrets. Reste en effet à concilier chez l’auteur des peintures, sa connaissance de l’héraldisme (blason portant les initiales de Jean Petitpied) avec le symbolisme du cheval ailé crachant la foudre et des boulets de canons d’une part et les 4 pointes de la hampe du drapeau pouvant évoquer le chiffre 4, empreint d’ésotérisme d’autre part.

Cheval ailé crachant la foudre et des boulets de canon

André et Jérôme GARCIA, propriétaires de la maison natale du Colonel PETITPIED