→ Histoire romancée, roman historique …
« A quelques centaines de pas du bourg de Mirepoix, de l’autre côté du Llers, torrent qui traverse dans presque toute sa longueur la riche vallée qui s’étend de ce bourg jusqu’à la ville de Pamiers, s’élève une colline qui domine non seulement le cours de cette petite rivière, mais encore le chemin qui la borde et qui va vers Castelnaudary. Aux deux tiers à peu près de cette colline commençait un château, dont les ruines existent encore. Adossé au flanc de la montagne, il montait avec elle, atteignait son sommet, la dépassait par quatre grandes tours que l’on apercevait à plusieurs lieues de distance.[…]Les premières constructions qui servaient d’enceinte générale au château, s’étendaient d’abord parallèlement à la colline sur une façade de près de trois cents pieds, et montaient à une hauteur prodigieuse ; puis elles allaient rejoindre, par des constructions latérales, la colline, gardant au sommet le même niveau, mais diminuant de hauteur absolue à mesure que leur base s’élevait avec la pente du terrain, de façon qu’arrivée à la petite plate-forme sur laquelle se dressaient les quatre tours dont nous avons parlé, cette enceinte n’avait plus qu’une élévation d’une vingtaine de pieds.[…]… on trouvait après la poterne, garnie d’une double herse, un vaste champ au milieu duquel était tracé un chemin tortueux bordé de vieux chênes et de frênes énormes.[…]Ce château était celui du sire de Terride. »[1]
AD09, plan terrier de Mirepoix, 312EDT/CC3, 1766, vue 119/119. Chapelle indiquée par une croix.
→ Origines, de Roger de BELLISSEN à Gui de LÉVIS
Le site du château de Terride domine la vallée de l’Hers et la route qui relie Carcassonne au Lauragais. Cette position remarquable a pu être occupée dès le Haut Moyen Âge et voir se bâtir une tour à signaux, sur le modèle des tours romaines. Le piémont des collines a été investi du temps de l’occupation romaine, comme certaines conduites d’eau en terre cuite, découvertes à Mazerettes, le laissent penser. Cette première tour a disparu.

En l’an 960, Roger de BELLISSEN rend hommage à Ermengarde, fille de Rengarde, de la maison des comtes de Carcassonne. Il y a donc une maison-forte, pour une garnison et le seigneur. La lignée de BELLISSEN perd ensuite la seigneurie et le château de Mirepoix, qui passent aux mains de Simon de MONTFORT, qui les donne à Gui de LÉVIS. Le retour des seigneurs de BELLISSEN après le siège de Fanjeaux est de courte durée, et le château de Mirepoix revient à Gui de LÉVIS sur ordonnance de Louis VIII en octobre 1226. Par la ratification du traité de Paris en 1229, Pierre-Roger de BELLISSEN voit ses biens confisqués et se réfugie à Montségur.
→ Village et château de Mirepoix
Aux alentours de l’an mil, un grand mouvement pousse les populations à quitter un habitat dispersé, à se regrouper pour mieux se défendre et se mettre sous la protection de lieux d’autorité. Cette période voit se créer des castelnaux, des sauvetés, des fertés, et la population du premier Mirepoix, dispersé sur la rive gauche de l’Hers, se groupe sur la rive droite, au pied des collines, sous la protection du château. Le nouveau village s’étend le long de la route, jusqu’à Mazerettes qui en est le premier lieu de culte. La population se trouve doublement protégée, par l’Hers d’une part, par le château d’autre part.

Le 16 juin 1289, jour de Saints-Cyr-et-Juliette, une inondation ravage le village de Mirepoix, pris au piège contre le piémont. Un hiver rigoureux suivi d’une importante fonte des neiges, un printemps très pluvieux et la possible rupture de la digue de terre du lac de Puivert ont précipité des masses d’eau de ruisseaux en rivière pour finir par dévaster Mirepoix, Camon et Chalabre. Les survivants se hâtent de demander à Gui de Lévis l’autorisation de bâtir une nouvelle ville sur la rive gauche, plus élevée, ce qu’il accepte. Le temps de couper chênes et résineux des forêts environnantes, de faire « sécher le bois » dans l’Hers, une nouvelle petite ville commence à se bâtir à la fin du XIIIe siècle, s’éloignant géographiquement du château.
→ La « tour vieille »
La tour existe déjà à la fin du XIIe siècle, puisqu’en 1207, la charte de coutumes que Pierre-Roger de MIREPOIX et trente-quatre co-seigneurs accordent aux habitants de Mirepoix est rédigée et signée ici.[2] Cette tour est utilisée plusieurs fois pour des réunions solennelles d’hommages des vassaux, en alternance, quelques années plus tard, avec la salle capitulaire du couvent des Cordeliers, situé en contrebas.

Sommée d’un toit plat, la tour se compose de deux vastes salles superposées, reliées par un escalier à vis, qui descend ensuite vers ce qui a pu servir de geôle. Le quatrième niveau, sous le toit, servait de grenier. Dans les deux salles, de très belles cheminées de vastes dimensions, elles aussi, donnent à voir des décors de palmettes pouvant dater du XVe siècle.
Au fil du temps, Terride se compose d’une tour-donjon, d’une chapelle, d’une triple enceinte avec murs, tours d’angles, portes et fossés, et d’un pont à arches venu remplacer la herse et le pont-levis de la tour portière disparue. S’ajoute à ces constructions un bâtiment d’habitation complexe qui garde des traces des diverses époques qu’il a traversées.
→ La chapelle
La chapelle est bâtie en briques, avec des ornements de pierre blanche. Sa voûte en croisées d’ogives a perdu plusieurs clés. Les peintures murales ont presque disparu. Elles font l’objet d’un signalement[3] en 1909 : « Sur les archivoltes et les piédroits des fenêtres sont tracées des étoiles à huit rais, entre des filets, ou de larges bandes imitant des briques. Dans l’ébrasement se déroulent les linéaments gracieux de rinceaux. Les rinceaux sont rouges sur fond blanc et terminés par des palmettes. » Il s’agit de peintures à la chaux, d’inspiration aquitaine, signalées à l’inventaire général du patrimoine comme datant de la fin du XIIIe siècle ou du début du XIVe.
→ Quelques pages dans la longue histoire du château de Terride …
Le 8 février 1563, Jean VI de LÉVIS, seigneur de Mirepoix, épouse Catherine Ursule de LOMAGNE. Elle lui apporte en dot la baronnie de Terride, située en Lomagne, à condition que leur postérité porte le nom de LÉVIS de LOMAGNE, selon la volonté de son père. Devenue veuve, elle a la jouissance du château et y vit avec son fils Jean de LÉVIS de LOMAGNE, seigneur de Roquefort, baron de Terride. Le château de Mirepoix conserve donc encore, dans son nom, le souvenir de ce mariage du XVIe siècle.
Catherine Ursule de LOMAGNE meurt en 1616. Son fils Jean de LÉVIS de LOMAGNE garde le château de Terride et la dame de compagnie de sa mère, Louise de BERTRANDY, avec qui il a deux filles, Agnès et Hippolyte, « naturelles mais non légitimes ». Elles sont enlevées ensemble une nuit de novembre 1642 par François de BÉON du CAZEAUX grâce à une échelle de corde, et emportent or, argent, bijoux. Antoine de LÉVIS MIREPOIX écrit plaisamment[4] que le séducteur « s’en fut en hâte épouser Agnès à la cathédrale, tandis qu’Hippolyte priait pour eux. »
Le chanoine NIORT oublie de noter le mariage … Le jeune couple et Hipolyte, ulcérés de n’être ni légitimes ni acceptés, reviennent au château qu’ils occupent avec violence en commettant vols, agressions et fracas, s’en prenant aux biens et à la personne de Jean de LÉVIS de LOMAGNE. Un temps retenu prisonnier, il finit par s’échapper et se réfugie chez son serviteur BARRAU à Mirepoix, avant que la population ne l’aide à regagner sa demeure et à chasser le trio infernal, avec l’aide de son petit-neveu Gaston Jean Baptiste de LÉVIS Ier.
Jean de LÉVIS de LOMAGNE a encore le temps et la force de poursuivre ses filles et son gendre en de multiples procès dans plusieurs parlements de France. Il meurt en 1664 à l’âge de quatre-vingt-seize ans après avoir testé en faveur de son petit-neveu, Gaston Jean Baptiste de LÉVIS II.[5]

Ces épisodes tragiques, longtemps restés dans la mémoire collective, ont donné du château de Terride une image maudite et comminatoire, que Frédéric SOULIÉ exploite avec passion dans le roman historique cité plus haut. Après le décès de Jean de LÉVIS de LOMAGNE, le château de Terride n’est plus occupé par ses descendants qui préfèrent vivre à Lagarde mais conservent la propriété de Mirepoix.
Né en 1699, Gaston Pierre Charles de LÉVIS épouse le 17 août 1733 Anne Gabrielle Henriette Antoinette de BERNARD de RIEUX, treize ans, qui meurt en couches en 1736. Au lieu de rembourser la dot (déjà dépensée), il cède Terride à la famille de BERNARD de RIEUX. Cette cession a lieu le 29 avril 1740, en faveur de Gabriel Henri BERNARD de RIEUX, frère de la jeune épouse décédée. Le jeune homme habite Paris et se désintéresse de Terride qui continue de tomber en décrépitude. Le château devient logement pour des fermiers et des maîtres-valets, puis magasin agricole jusqu’à la Révolution.
→ Le château de Terride, bien national puis propriété privée …
Château et terres sont vendus le 25 ventôse an III (15 mars 1795) à Guillaume SATGÉ, de Mirepoix, pour 90 000 livres.
Le 1er septembre 1811, le maréchal Bertrand CLAUZEL achète Terride et l’enclos des Cordeliers pour 50 000 francs.
Après sa mort, le 21 avril 1842, le domaine de Terride est vendu à Gabriel Joseph MORAS, père de Pierre Charles Adrien MORAS, notaire du maréchal CLAUZEL. Terride reste propriété de Pierre Dominique Clément MORAS, conseiller à la Cour de cassation, chargé du second rapport d’acquittement du capitaine DREYFUS. C’est lui qui donne au bâtiment d’habitation l’aspect qu’il conserve encore.

Citons également, dans les propriétaires de Terride (classé monument historique depuis 1875), Raymond ROGER qui a œuvré pour sauver le site des ronces et de la ruine, a permis d’en découvrir et restaurer certains aspects architecturaux oubliés et a commencé d’ouvrir au public pour des Journées Européennes du Patrimoine.
Martine ROUCHE, Guide conférencier.
[1] Soulié Frédéric, Le comte de Foix, roman historique inachevé, 1851, Paris, ch.1, p. 1.
[2] Pasquier (F.), Cartulaire de Mirepoix, 1921, Privat Toulouse, tome II, p. 1.
[3] Roger (R.), in Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques.
[4] De Lévis-Mirepoix Antoine (1884-1981), Aventures d’une famille française, éd. La Palatine, 1955, p. 161.
[5] On peut lire à ce sujet le roman historique de Christine Belcikowski, La trace du serpent, L’Harmattan, 2014.