Origines

L’église de Saint-Aulin est dédiée à Saint-Pierre-aux-liens, comme l’indiquent les registres des baptêmes, mariages et sépultures, ainsi que la bannière poudreuse conservée dans la sacristie sur laquelle figure le saint portant clés à la main et fers aux pieds.

L’œuvre de charité connue au XVIIIe siècle sous le nom d’Œuvre de Saint-Pierre aux liens de l’église de Saint-Aulin venait au secours des indigents, et plus particulièrement des enfants dans la misère, ce qui se justifie dans ce hameau dont les registres paroissiaux montrent bien l’extrême pauvreté.

Quelques éléments d’histoire

Faute de documents antérieurs, il est sage de fixer au moins la date de 1207 comme terminus a quo pour l’histoire de Saint-Aulin : la seigneurie de Mirepoix est aux mains de 34 co-seigneurs. Le territoire est délimité, globalement, par 16 termini : la borne 12 correspond à « ecclesiam santi aulini » dans le texte latin, transposée en « gleyzo sant auli » au XVe siècle, « église de Saint-Aulin ».

L’église et le hameau sont donc datables au moins du début du XIIIe siècle. Sachant que des vestiges d’installations romaines, en particulier des conduites d’eau et des tracés de voies, ont été retrouvés à Mazerettes et en divers endroits du piémont des collines qui dominent Mirepoix, il est plausible que cette petite église soit plus ancienne encore, s’il y a eu occupation non interrompue. On peut alors envisager la formation, autour d’une église primitive, d’un village de type ecclésial ouvert.

Il ne faut pas oublier que la population de Mirepoix, qui vivait en habitat dispersé sur la rive gauche de l’Hers, s’est déplacée et groupée sur la rive droite, aux alentours de l’an mil.1

En 1510, Saint-Aulin figure dans l’inventaire des biens de Jean IV de LÉVIS, avec énumération de ce que le village rapporte au seigneur.2

L’église Saint-Pierre aux liens, du hameau de Saint-Aulin, au XVIIIe siècle

Les seuls documents d’archives actuellement connus sont les registres de baptêmes, mariages et sépultures. Ils sont lacunaires, à la suite d’un incendie de la maison curiale, de l’assassinat d’un prêtre qui ne notait pas strictement tous les actes et de l’incurie d’autres prêtres, comme le signale le curé BILHARD lorsqu’il prend en charge la paroisse. Un registre des BMS (Baptêmes, Mariages, Sépultures) de Saint-Aulin couvre la période 1639-1756. Un texte laissé pour mémoire, selon la formule en usage, sans doute écrit au début de l’année 1714, retient l’attention.

Quelques éléments, selon la chronologie 

En 1719 et 1720, les cérémonies de la paroisse de Saint-Aulin se déroulent dans l’église Saint-Julien d’Espinoux : on peut en déduire que l’église Saint-Pierre aux liens de Saint-Aulin menace ruine.3

1730/1748, état des lieux4

Des « verbaux » ou comptes rendus de visites d’experts, mandés par des évêques de Mirepoix, donnent un état des églises du diocèse (plus de 60) dans la première moitié du XVIIIe siècle, et fixent des sommes à prévoir pour des travaux, des réparations ou des achats.

1731 

Que faut-il faire à l’église de Saint-Aulin ?Boucher quatre « serpents » du mur Est avec du « bon mortier »,  refaire une partie du toit (charpente et tuiles) ainsi que le chaînage, réparer le vitrail et lui ajouter une grille de protection. A l’intérieur, le pavement doit être réparé en partie, et « il faut nettoyer le tableau qui est fort bon et beau. » Le tabernacle a besoin d’être repeint et plusieurs pièces d’orfèvrerie, en piètre état  doivent être soudées ou remplacées. Quelques ornements sacerdotaux et livres sacrés manquent. Les experts estiment l’ensemble des dépenses à 141 livres 10 sols. Il est à noter que l’essentiel de l’expertise porte sur l’orfèvrerie, les linges et vêtements sacerdotaux, et les livres. En proportion, le bâti est bien rapidement traité.

Autre cahier pour une visite en 1738/1739

Ce verbal qui date de 1738/1739 est une rapide vérification que les travaux et réparations prônés à la visite précédente ont bien été réalisés. Les experts trouvent les murailles, le toit, le pavé, les vitres, le tableau et le tabernacle en bon état. Ils ajoutent toutefois que « le plat-fond est neuf et n’est pas encore achevé le devant jusques au toit n’est pas fermé. » Là encore, les objets liturgiques priment sur le bâti.

10 avril 1748 

« Nous sommes allés ensuite au lieu de Saint Aulin, où étant vers les trois heures nous avons visité l’Eglise, les ornements, les vases sacrés les linges & les livres. Nous avons trouvé les réparations faites ainsi qu’il est porté dans le procès-verbal des experts. » Les visites et les comptes rendus sont de plus en plus rapides …

1766/ 1767

Devis de réparations indispensables à faire à l’église de Saint-Aulin (visite du 16.10.1766 sur ordonnances épiscopales du 20 septembre 1740 et du 21 août 1746)5

Le maître maçon Martial AYMARD de Mirepoix se déplace à l’église et constate qu’elle a besoin d’être pavée en pierre de taille assise sur mortier franc. Le mur du clocher et le beffroi doivent être recrépis entièrement, à mortier brisé dehors, à mortier poli dedans ; le mur nord refait jusqu’à une certaine hauteur avec ajout de trois pierres pour le relier au mur du clocher ; le vitrail du mur Sud réparé et la couverture des fonts baptismaux terminée.

Les murs intérieurs de l’église seront blanchis à la chaux, le toit refait en brique et tuile soutenu par un pilier de chêne, des planches neuves de sapin clouées aux chevrons et un porche devant la porte de l’église pour remplacer l’ancien qui s’écroule ainsi que deux marches en pierre.

Des quartiers de pierre de taille retiendront le terrain devant la bâtisse et une muraille en pierre et chaux sera montée au cimetière.

Martial AYMARD s’engage le 23 août 1767 à faire ces travaux pour la somme de 400 livres. Il semble étonnant que, quelques années après la visite qui juge satisfaisant l’état de l’église de Saint-Aulin, il faille déjà envisager un important chantier de maçonnerie et reprendre quasiment tout le bâti.

Visite de contrôle (25 février 1768)5

Le maître maçon Nicolas DAVAM de Mirepoix nommé expert par la municipalité, se rend à l’église de Saint-Aulin pour vérifier les réparations. « Le devis à la main », il constate que le pavement a été fait dans les règles de l’art, que le mur du clocher a été recrépi et que les trois pierres ont été posées. Le vitrail a été réparé, les fonts baptismaux couverts, les murs intérieurs blanchis à la chaux. Le toit a été repris et des planches neuves de sapin utilisées. Le porche de l’église « qui est devenu la porte » est en bon état. Les deux marches en pierre correspondent et les quartiers destinés à retenir le terrain sont bien placés. Le mur du cimetière est « fait et parfait selon le devis », avec une augmentation de quelques mètres à la demande du curé, pour fermer le cimetière.

Ordonnance de Monsieur l’Intendant (16 mars 1768 ; 9 juillet 1769)5

Les 40 habitants de Mirepoix les « mieux-tenants », ceux qui paient la taxe foncière la plus élevée, sont tenus de faire l’avance des 400 livres correspondant aux travaux de réparations faits à l’église, au cimetière et à la maison presbytérale de Saint-Aulin. Chacun avance 10 livres qui lui seront « remboursées par imposition avec l’intérêt au denier 20 ».

Période révolutionnaire, 10 août 1792 

Le district de Mirepoix comprendra 47 paroisses, 52 succursales, 11 oratoires. Les églises de Mazerettes et de Saint-Aulin sont conservées comme succursales de l’église de Mirepoix. 6 

XIXe et XXe siècles 

Le 31 octobre 1821, dans une lettre à Alexandre DESGUILHOTS, maire de Mirepoix, le curé FONTÈS exprime son désarroi et celui des marguilliers : l’église de Saint-Aulin est en mauvais état. Le plafond menace de s’effondrer sur l’autel et les murailles ont besoin d’être recrépies. Il rappelle au maire qu’il s’était engagé à faire ces travaux et se plaint que les églises des villages voisins soient mieux entretenues que la sienne. Il s’engage à ce que les habitants de Saint-Aulin, « malgré leur pauvreté », se chargent des décorations intérieures de l’église, si les gros travaux sont pris en charge par Mirepoix.

Le curé FONTÈS rappelle que l’église de Saint-Aulin « quoique rurale le dispute en antiquité à l’église de Mirepoix et c’est sa fille cadette. Quand Mirepoix était aux Français sur la rive droite de l’Hers [avant 1289, MR], les maires vos antiques prédécesseurs regardaient cette église comme la leur et venaient dans leur banc se montrer attentifs au besoin public. Le trajet actuel de la rivière à passer ne peut ôter à l’église de Saint-Aulin son mérite ni lui faire perdre l’attention qu’elle [omission] de votre vigilance. »7

Le 18 janvier 1832,Dominique PETITPIED, trésorier de l’église de Saint-Aulin, déclare avoir reçu d’Antoine Benoit VIGAROZY, maire de Mirepoix, la somme de 42 francs « pour ouvrages de son art exécutés à la dite église. » Comme son père François, Dominique PETITPIED était « gippier », c’est à dire, plâtrier.

Le 20 février 1861, Hector MANENT, maire de Mirepoix, établit un « Etat indiquant le chiffre de la population et du nombre des décès survenus pendant chacune des cinq dernières années dans la paroisse de Saint-Aulin ». Entre 1856 et 1860, Saint-Aulin perd 63 habitants.8 À la même date, un plan d’agrandissement du cimetière est établi.

Le 20 mai 1882,le maître maçon Henri LABATUT dresse un devis pour des travaux à l’église de Saint-Aulin, approuvé par le maire Louis PONS-TANDE, puis par le Préfet de l’Ariège. Il s’agit de « la construction d’un pilier en maçonnerie et pierre de taille en forme de tourelle, devant servir de clocher et de contrefort au mur Levant de l’église du hameau de Saint-Olin [sic] ». Il est précisé que la corniche sera en pierres de taille de 30 cm d’épaisseur extraites des carrières de Labastide de Bousignac, Lagarde ou Camon et qu’une structure en fer sera prévue pour suspendre la cloche.8

Le 9 juin 1895,une pétition de la Fabrique de Saint-Aulin signale à la mairie de Mirepoix le délabrement de la toiture de l’église et du presbytère, ainsi que le mauvais état du mur du cimetière. Une commission est chargée d’étudier la situation et d’établir les travaux à faire.9

1902/1903 : l’architecte E. DEBAT fils dresse trois plans8 pour les travaux de réparation de la charpente. L’entrepreneur est Joachim SAINT FÉLIX de Mirepoix. Il est prévu des démolitions (dépose de la couverture en tuiles creuses et de la charpente, enlèvement du voligeage), reconstruction avec repose de vieux bois, « charpente en bois de sapin du pays » et « charpente en bois de chêne du pays », repose de voligeage, couverture en tuiles creuses vieilles et neuves, pose de fers neufs, « assemblage sur tas de charpentes vieilles avec charpentes neuves », maçonnerie de moellons, « crépis au bouclier en mortier de chaux hydraulique, y compris repiquage du mur «  et montage de deux châssis à tabatière.8

Tout au long du XIXe siècle, les échanges de correspondance entre les marguilliers ou la fabrique de l’église de Saint-Aulin montrent la pauvreté de moyens dont disposent la municipalité de Mirepoix, la fabrique et la population de Saint-Aulin. Des aides sont demandées au préfet et au ministère des cultes. L’église fait l’objet de réparations minimales régulières mais toujours dans un souci de grande économie.

Le chantier de 1902/1903 semble plus important et prend la charpente entière en compte, mais en ayant soin de réutiliser au maximum vieux bois et vieilles tuiles. Le coût de ces travaux s’élève à 1472,60 francs.8

Conclusion

D’autres observations pourraient donner lieu à une étude encore plus détaillée, qui montrerait l’intérêt de cette petite église succursale dans l’histoire et le patrimoine de Mirepoix, église qui « le dispute en antiquité à l’église de Mirepoix », comme l’écrivait le curé FONTÈS en 1829.

Cette église de campagne pour laquelle les habitants et fabriciens se sont battus au fil des siècles afin de la conserver, mérite que l’on continue d’en prendre soin et que sa valeur historique, patrimoniale et mémorielle soit reconnue et préservée …

Outre la nécessité salutaire des travaux entrepris, il serait judicieux d’envisager l’inscription du grand tableau du chœur déjà jugé « bon et beau » au XVIIIe siècle, de l’autel majeur en marbres des Pyrénées (dédié à saint Eloi, parce que déplacé de la chapelle éponyme de l’église cathédrale de Mirepoix par le chanoine Victor MELLON BARBE qui préférait la pierre de Beaucaire à tous les marbres), du bénitier en pierre datant sûrement d’une église primitive, des fonts baptismaux anciens, des bancs semi-circulaires, de la bannière de Saint-Pierre-aux-liens, du meuble de sacristie …

Martine ROUCHE,

guide conférencier

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  1. Les villages ecclésiaux dans le bassin de l’Aude [article]. Actes du IIIe congrès international d’archéologie médiévale (Aix-en-Provence, 1989) D. BAUDRIEU et JP CAZES. Fait partie du numéro thématique : L’environnement des églises et la topographie religieuse des campagnes médiévales.
  2. Cartulaire, Félix PASQUIER, tome 1.
  3. AD09, 1NUM5/5 MI66, Mirepoix, paroisse de Saint-Aulin, BMS, 1634-1756, vues 140 et ff/ 242.
  4. AD11, GG225, f°116 & ff.
  5. AM Mirepoix, DM20. Ces documents faisaient partie des archives municipales de Mirepoix, transférées le 4 juillet 2012 aux archives départementales de Foix.
  6. Collection générale des décrets rendus par l’Assemblée Nationale, juillet & août 1792. Chapitre III, 10 août 1792, p. 29.
  7. AM Mirepoix, comptes rendus des conseils municipaux. Ces documents faisaient partie des archives municipales de Mirepoix, transférées le 4 juillet 2012 aux archives départementales de Foix.
  8. AD09, 2O999.
  9. AM Mirepoix, D137.