Aux Saveurs des Couverts, les travaux de rénovation ont heureusement préservé et mis en valeur deux peintures murales. La plus visible est une scène de chasse de format ovale, au milieu du mur ouest, l’autre plus petite, au fond d’une niche, représente un pic-vert sur une branche. La scène de chasse est datée de 1910 et signée « F. BRUSTIER ».

 

Signature « F.BRUSTIER »

 

↓ La famille de François BRUSTIER

 

Si le patronyme BRUSTIER se rencontre fréquemment dans les pages des registres d’état-civil de Mirepoix, avant et après la Révolution, François BRUSTIER n’est pas connu en tant qu’artiste peintre.

 

Né à Mirepoix le 5 décembre 1884, ses parents sont Jean Armand (dit Armand) BRUSTIER, menuisier, et Marie Guilhermine AMIEL, tous deux également originaires de Mirepoix. Son frère aîné Jacques François est né deux ans plus tôt. Ils ont deux petites sœurs : Jeanne Antoinette née en 1886 et morte à 11 ans, et Marie Louise Antoinette née en 1888 et morte à l’âge de 8 mois.

 

↓ Études artistiques

 

A partir de 1901, François BRUSTIER, est élève à l’École régionale des Beaux-Arts de Toulouse, où il recueille de nombreuses récompenses. Il obtient un 2e prix pour « étude teintes plates » et un 1er prix ex-aequo pour « étude modelée ».

 

Les parents de François BRUSTIER devaient être modestes et avoir du mal à payer les études de leur fils. Le 22 décembre 1901, Philippe ROUBICHOU, maire de Mirepoix, propose au conseil municipal de « voter une bourse de 200 francs à M. François BRUSTIER pour le maintien à l’école des Beaux-Arts de Toulouse ».

 

Le jeune homme peut ainsi poursuivre ses études. En 1904, il reçoit le prix d’émulation en section peinture, et un prix ministériel de 200 francs, « accordé aux élèves les plus méritants ». Il obtient un accessit ex-aequo pour Dessin d’après l’antique, en division supérieure, et un 1er prix ex-aequo pour Dessin de torse. A cela s’ajoutent un 1er prix ex-aequo dans la catégorie Eau-forte, un 1er accessit pour Dessin à la plume, un 1er accessit pour Gravure en médaille, et un autre pour Procédés lithographiques. François BRUSTIER réussit dans presque toutes les disciplines artistiques enseignées à l’École des Beaux-Arts de Toulouse.

 

En 1905, il reçoit le 1er prix ex-aequo pour la catégorie Pose peinte. Les prix et bourses continuent tout au long des études de François BRUSTIER à Toulouse, jusqu’à ce qu’il soit reçu au concours d’entrée à l’École Nationale et Supérieure des Beaux-Arts de Paris, qu’il intègre en février 1910. Il habite d’abord rue Beaubourg, Paris 3e, puis rue de l’Ancienne Comédie, Paris 6e, à partir de 1912. En réalité, il est souvent à Mirepoix, chez ses parents, qui habitent sous le Couvert Saint-Antoine, sur le bord occidental de la place centrale.

 

↓ Fiche matricule militaire

 

Outre les renseignements concernant le service armé obligatoire, la mobilisation, la mise à disposition ou la réforme d’un jeune homme comme François BRUSTIER en ce temps-là, la fiche (conservée aux archives départementales) indique son signalement et des adresses.

En 1904, François BRUSTIER a 20 ans, il mesure 1,64m, a les cheveux et sourcils bruns, les yeux châtain, le front découvert, le nez pointu, la bouche moyenne, le menton rond et le visage ovale.

Il est déclaré « bon pour le service », mais dispensé selon l’article 21 parce que son frère aîné Jacques François est déjà au service. Les périodes d’incorporation, de disponibilité et de congé pour bronchite chronique, c’est à dire pour tuberculose, se succèdent. François BRUSTIER est versé dans la réserve à partir de 1908.

 

C’est chez ses parents que François BRUSTIER meurt le 3 octobre 1914 de la tuberculose. Il n’a pas trente ans.

 

↓ Les peintures de Mirepoix

Pic-vert

 

Au cours d’un séjour chez ses parents, en 1910, François BRUSTIER, désormais étudiant aux Beaux-Arts de Paris, reçoit commande pour un décor mural au café tenu par le limonadier Marcel PELIN. Le café PELIN, au Grand Couvert, et les parents de François BRUSTIER, au Couvert Saint-Antoine, ne sont séparés que de quelques mètres.

 

De ce décor que l’on peut imaginer faisant le tour de la salle, il reste deux peintures, le pic-vert, et la scène de chasse à courre. Une troisième, qui représentait un héron cendré au milieu de roseaux, n’a pu être préservée. La photo est donc d’autant plus précieuse.

 

Ces peintures ne sont pas des fresques, pour lesquelles on applique des pigments sur enduit frais. Le héron cendré disparu et le pic-vert sont des peintures à teintes plates, technique pour laquelle François BRUSTIER avait reçu un 2e prix quelques années plus tôt. Elles se rapprochent des affiches du temps, peintes pour être clairement vues et appréciées de loin. Les formes des oiseaux sont nettes et élégantes, les contours purs, le choix des couleurs est pertinent. L’ensemble est simple, distinct, lisible, et offre un important degré de ressemblance, ce qui permet d’identifier les oiseaux.

 

chasse à courre

 

La chasse à courre, plus complexe dans son traitement, se rapproche d’une scène de genre. On voit un instant suspendu, une immobilisation du temps, qui correspond à la halte du cerf au milieu de la rivière, avec les chiens à l’arrêt qui l’entourent. Les couleurs sont sourdes, marron, vert foncé, avec un peu de blanc. La tunique rouge du chasseur attire le regard : c’est de lui que va repartir le mouvement et c’est de lui que viendra la mort du cerf.

 

Au XVIIIe siècle, cette maison était celle de Maître Thomas BAUZIL, avocat en Parlement. Il reste, à l’intérieur des Saveurs des Couverts, un encadrement de pierre datant de cette période. Plus tard, les recensements de population indiquent le café de Marcel PELIN, puis le café de Marguerite TEULIÈRE, sa fille, en 1936. Les Mirapiciens se souviennent des pâtisseries SABATIER, SOFIATI …

 

Depuis plus de cent ans, ce rez-de-chaussée reste un lieu de commerce et de sociabilité.

 

Martine ROUCHE

Guide conférencier