Sécurisation et protection seront les maîtres-mots pour déterminer les priorités du chantier de rénovation et d’entretien de l’ancienne cathédrale Saint Maurice
Soucieuse de la bonne conservation de l’ancienne cathédrale Saint Maurice, la commune en qualité de maître d’ouvrage, a souhaité connaître l’état de conservation de l’édifice afin de programmer selon les urgences, les travaux qui s’imposent.
∇ Le bâtiment
Vue générale de la nef et du choeur
Déjà sous les mandatures précédentes beaucoup de chantiers ont été lancés, contribuant à la conservation et l’entretien de l’édifice.
Nous devons à la mandature de Jean CAZANAVE la réfection des toitures, la restauration des vitraux (étalée sur 4 ans et terminée lors du 1er mandat de Nicole QUILLIEN), de l’orgue, du clocher et du carillon et concernant le mobilier : le Christ catalan du XIVe siècle classé Monument Historique en décembre 1908, entre autres.
Après les travaux d’étanchéité des terrasses réalisés en 2012 sur les 6 chapelles Nord de la nef, en 2013 sur le chevet et en 2014 sur les 5 chapelles Sud de la nef, la restauration intérieure du bâtiment peut donc être entreprise.
Suite au marché public lancé en 2017 par la commune, la réalisation d’une mission de diagnostic pour la restauration intérieure de l’ancienne cathédrale a été confiée au cabinet d’architectes BOSSOUTROT – REBIÈRES.
Sur la base d’une connaissance aussi complète que possible de l’histoire de l’église, le diagnostic a pour objet d’étudier l’état de conservation de chaque partie afin de déterminer les travaux à envisager, les degrés d’urgence, leur coût et d’établir en parallèle un programme pluriannuel de travaux, de restauration et d’entretien. Il porte sur les peintures murales, l’orgue classé, le mobilier, les murs, voûtes et sols, vitraux… la mise en valeur par la lumière et la réfection des installations électriques, ainsi qu’une réflexion sur l’accessibilité PMR et la possibilité de chauffage.
∇ En extérieur
L’étude de diagnostic porte sur l’intérieur du monument, cependant, les parties extérieures ont également été examinées afin de prévenir d’éventuelles infiltrations d’eau dommageables à la restauration des décors peints.
Vue de détail d’une baie où l’on constate que le bandeau médian d’appui est entièrement rongé par les intempéries ; il en est de même des maçonneries hautes.
Cet examen a permis de déceler des altérations qu’il conviendrait de traiter afin de prévenir toute aggravation (restauration des parties hautes des élévations de la nef, du cœur, des chapelles, des appuis de baies, remplacement des meneaux et étanchéification des parties basses de tous les vitraux, création d’une balustrade pour accéder en sécurité aux combles de la nef).
∇ En intérieur
Les décors peints, établis au cours du XIXe siècle, sont aujourd’hui dans un état préoccupant car ils ont subi des dégradations très importantes dues à de longues infiltrations d’eau provenant des toitures, défectueuses ou mal conçues, notamment dans la nef, les chapelles et la partie basse du clocher.
L’ancienne cathédrale est remarquable entre autres points par ses décors peints et son mobilier antérieur à la Révolution méritant une reconstitution soignée. Ce très riche ensemble de peintures murales se développe sur l’ensemble des voûtes et la quasi-totalité des élévations formant un exceptionnel répertoire décoratif.
Au vu de l’état des décors, le bilan préconise et privilégie la mise en valeur des réalisations du XIXe siècle et les décors du XVIIe subsistant dans les chapelles Saint Roch, Sainte Christine et celle du clocher qui doivent faire l’objet d’une conservation d’urgence.
Sur les clichés suivants, quelques exemples de dégradations par infiltrations à des degrés divers : taches, efflorescence du plâtre, coulures, lessivage de la couche picturale, lacunes, disparition du décor…
Le sol de la cathédrale n’est pas en reste puisque les pierres de grés qui le composent se délitent et présentent des traces d’humidité et de vieillissement.
∇ Le mobilier
Plusieurs éléments nécessitent une intervention d’urgence et seront traités en priorité :
le buffet d’orgue et sa tribune qui sont l’objet d’attaques d’insectes xylophages actives, d’encrassement très important, de développement de moisissures, d’arrachement, de panneaux déformés et disjoints, de fixations et scellement insuffisants, etc.
Les tuyaux de l’orgue sont très empoussiérés avec des gravats à l’intérieur, certains présentant des traces de chocs et d’impacts ou maintenus par de simples fils de fer.
Altérations orgue
Altérations tribune
Les tambours Sud (accès au clocher) et Nord(entrée de la cathédrale) composés de bois de chêne et de pin, vernis en surface, dotés de placages et de vitres peintes, datant du XIXe siècle, présentent un encrassement général, des fixations insuffisantes et des infestations xylophages virulentes agissant sous la toiture des tambours et sur les plinthes basses, qu’il est urgent de stopper car risque de chute d’éléments à long terme.
Tambour Nord
Tambour Nord
La chaire à prêcher du XVIIe siècle, d’une largeur de 1m40 et d’une hauteur de 5m10, est fortement encrassée et attaquée par les insectes. L’urgence se situe sur le couronnement et la balustrade de l’abat-voix dont les défauts de fixation font craindre leur chute à très court terme. On note également des marques d’acte de vandalisme : éléments arrachés, comme par exemple la tête d’un ange.
Chaire
Le Christ en croix (XIVe siècle ?) en bois polychrome rehaussé de dorures, restauré en 1999, dont la fixation unique par piton avec crochet est très insuffisante. On observe des manques sous les doigts de la main gauche et des pieds, un encrassement général et une infestation d’insectes.
Christ en croix
Panneaux de retable nécessitant le renouvellement de l’accrochage au mur, comme nombre d’œuvres.
Retable « le cycle du Rosaire » dont la restauration est prévue début 2019
Tout en ne présentant pas un caractère d’urgence, d’autres travaux sont vivement recommandés afin de garantir la conservation du bâtiment et du mobilier intérieur et la sécurité des fidèles, pèlerins, visiteurs, etc. :
Dépoussiérage, nettoyage, décrassage, rebouchage,
Traitement préventif attaques xylophages sur les boiseries,
Étayage de plusieurs tables d’autel dans les chapelles ,
Remplacement et consolidation des fixations de pinacles, de sculptures, de tableaux, de retables, etc.
Refixage de peintures et dorures, reconstitution d’éléments manquants et retouches de couleurs,
Mise en sécurité de sculptures sur leur piédestal et du piédestal au sol,
Protection contre le vol, chute et vandalisme, etc.
(liste non exhaustive)
Un grand nombre d’objets (croix de procession, crucifix, ostensoirs… lustres, candélabres, verreries) et fragment d’œuvres (éléments de tabernacle, morceaux de sculptures…), ont été répertoriées au-dessus de la sacristie ou sous le clocher, entassés sans protection à même le sol.
Le montant estimatif des travaux de restauration intérieure de l’ancienne cathédrale Saint Maurice étant extrêmement important, un plan pluriannuel sera établi sur une dizaine d’années en fonction des possibilités budgétaires de la commune avec recherche de financements (partenariats publics et privés : État, Région, Département, Fondation du Patrimoine et souscription, etc.)
Sécurisation et protection seront les maîtres-mots pour déterminer les priorités avant la mise en place du chantier de restauration et de la mise aux normes accessibilité.
Nous ne manquerons pas de vous tenir régulièrement informés au fur et à mesure de l’avancée de cette rénovation.
En 2016, deux bustes et la statue de Saint Jean-Baptiste ont été restaurés (photos avant intervention)
L’ancienne cathédrale Saint Maurice, vaisseau de pierre au cœur de la cité médiévale
L’histoire architecturale de cet édifice religieux est particulièrement chaotique. À l’origine de cette complexité, au XIVème siècle une décision papale assez extraordinaire qui, pour des raisons administratives et très certainement politiques, visa à abaisser les pouvoirs des diocèses de Toulouse et de la primatiale de Narbonne en créant neuf nouveaux évêchés pris sur la plus importante juridiction ecclésiastique du Languedoc.
Gravure avant surélévation du chevet et de la nef
∇ Fondation
Le nom de Saint-Maurice lui vient de la première église, alors construite sur la rive droite de l’Hers-Vif . Le 22 septembre 1209, jour de la Saint-Maurice, les armées de Simon de MONTFORT prennent la ville assise entre l’Hers et le château et placent l’église sous le patronage du saint et de ses compagnons. Mais cette église n’est plus, emportée par l’inondation du 16 juin 1289, qui fait déplacer la ville sur la rive gauche de l’Hers.
La première pierre du bâtiment que nous connaissons fut posée par Jean Ier de LÉVIS-MIREPOIX et sa femme Constance de FOIX, le 6 mai 1297 (date à laquelle a été posée la pierre de dédicace). Son édification s’étalera sur six siècles, avec des interruptions.
∇ L’église devient cathédrale
C’est le 26 septembre 1317 que le pape Jean XXII, nouvellement élu, fait de Mirepoix le siège d’un nouvel évêché : l’église de la bastide devient cathédrale, mais on manque de financement pour agrandir l’édifice.
Les différents évêques tentent de s’en occuper, mais ils ne parviennent jamais à terminer les travaux (la guerre de Cent Ans et une épidémie de peste en 1361 y sont pour beaucoup).
Jacques FOURNIER, futur Benoît XII, fait bien dresser des plans par Pierre POISSON (futur architecte du palais des papes en Avignon) mais est nommé cardinal avant d’avoir pu les réaliser.
Aspect de la cathédrale à l’arrivée de Philippe de Lévis
∇ L’empreinte de l’évêque Philippe DE LÉVIS (1466-1537)
Il faudra attendre le XVIe siècle avec l’évêque exceptionnel que fut Philippe de LÉVIS pour qu’enfin des travaux significatifs soient portés à leur terme. Lorsqu’il parvint à la chaire épiscopale, le prélat trouva une cathédrale en fort mauvais état, la guerre, les fléaux de la peste et les famines ayant fait leur œuvre. En effet, la description du site indique une nef à ciel ouvert, des arases exposées aux intempéries et des animaux divagant jusqu’aux abords du chœur fermé par une clôture provisoire.
Philippe de LÉVIS fait démolir les maisons accolées à la cathédrale pour dégager l’édifice, l’agrandit, l’embellit, et surtout fait construire le clocher dont la flèche, très aiguë, à 8 faces, porte à 60 mètres de hauteur la croix terminale, ce qui en fait la plus haute du département.
Ce clocher, achevé en 1506, abrite 16 cloches dont un bourdon de deux tonnes (le plus lourd du Sud-Ouest). C’est également de cette époque que datent le porche d’entrée et la porte Renaissance, démontée et retrouvée au début des années 1950.
On lui attribue également la construction, adossée à l’Occident, d’une résidence épiscopale jouxtant l’église et communiquant avec elle à l’Ouest.
Après Philippe de LÉVIS, les évêques ne vivent plus sur place. Seul Pierre de DONNAUD fait transformer l’intérieur de la cathédrale. Beaucoup de mobilier disparaît peu à peu, dû à un certain abandon accentué par les pillages de la Révolution et la suppression de l’évêché de Mirepoix.
∇ La restauration de VIOLLET LE DUC
Comme la Cité de Carcassonne, la cathédrale de Mirepoix subit les assauts d’Eugène VIOLLET LE DUC. Ce dernier trouve un édifice désaxé et dissymétrique, très hétérogène, et en piteux état… Il fait refaire entièrement la voûte, en briques creuses et plâtre, ainsi que les peintures, reconstruit les murs du chœur et de la nef, favorisant la stabilité de l’édifice, et consolide le clocher qui demeure toujours à cette époque un danger permanent et récurrent. Il fait édifier les arcs-boutants en pierre que l’on connaît (1858), et privilégie l’ardoise pour recouvrir l’ensemble du toit (1859). En 1860, la nef est élargie de 3,30 m la portant ainsi à 21,40 m, ce qui en fait la plus large nef de France, unique dans le style architectural gothique languedocien.
Quant aux vitraux, brisés par maladresse pendant leur enlèvement, ils seront remplacés par des imitations néogothiques.
Cette restauration (en fait, en grande partie une reconstruction) a eu et a toujours ses détracteurs.
VIOLLET LE DUC appliquant ses principes, supprime, rajoute, agrandit, réinterprète… mais permet à cette cathédrale, jamais terminée et modifiée à des époques bien différentes, d’acquérir une certaine unité de style.
∇ Aménagements intérieurs
Entre 1867 et 1933, on assiste au remplacement de l’ensemble des autels par des imitations gothiques en marbre blanc. Ainsi le maître-autel de marbre polychrome est-il déplacé dans l’église des Trinitaires et en 1886, quand les sœurs de Nevers doivent fermer leur couvent, il revient à la cathédrale, où il sert d’autel dans la chapelle Saint-Joseph. A la place du maître-autel, on met une imitation de style gothique, à trois clochetons et le chœur est surélevé.
Maître-autel
Au milieu du XXe siècle, les couvertures au niveau du chevet et des terrasses ont été restaurées et les pieds de murs assainis pour limiter les infiltrations d’eau. A cette période, vitraux et maçonneries du clocher et de la flèche ont également fait l’objet de soins.
Dans les années 1990, charpentes et couvertures de l’église ont été reprises en conservant l’état de la restauration du XIXe siècle, puis le clocher et la flèche.
L’ancienne cathédrale Saint-Maurice a acquis à la fin du XIXème siècle son aspect actuel qui la fait apparaître de façon avantageuse comme un édifice gothique abouti.
La cathédrale Saint-Maurice est classée au titre des monuments historiques le 22 mars 1907. Elle connaît enfin le retour de la porte Renaissance de l’évêque Philippe de LÉVIS, qui, épargnée, est remise en place en 1952.
Porte sculptée
Bâtiment en appentis pour la soufflerie du nouvel orgue de LINKS
Ressources documentaires :
Diagnostic du Cabinet BOSSOUTROT / REBIÈRES (Janvier 2018)